Jean-Michel Servet, économiste, pointe les limites du système :
Professeur d'économie à l'Institut d'études du développement de Genève, fondateur du programme de recherche sur la microfinance à l'Institut français de Pondichéry (Inde), Jean-Michel Servet est aussi l'auteur de Banquier aux pieds nus (1). Entretien.
Comment expliquez-vous le formidable essor du microcrédit ?
C'est un vrai outil qui permet d'attirer l'attention sur les exclus des services financiers dans un monde qui se financiarise, mais il faut comprendre ses limites. En France, le coût de distribution d'un euro de crédit coûte jusqu'à un euro. Difficile à tenir sans subvention publique sauf en consentant des taux d'intérêts prohibitifs. Le niveau de remboursement (87 %) masque aussi des rééchelonnements fréquents des prêts.
Mais le potentiel est réel ?
On évalue 60 000 créations d'entreprises microfinancées par an en France. C'est un coup de pouce pour la réinsertion, un moyen de répondre à un besoin d'entreprendre une activité. Mais il est à comparer aux 6 millions de chômeurs et aux travailleurs pauvres. A l'instar de ce qui se passe en Chine ou en Inde, le vrai moteur de la croissance, c'est l'emploi salarié, pas l'entrepreneur pauvre. Ce type de développement par le bas porte y compris en Europe des risques en matière de respect des normes de sécurité ou d'environnement.
Le microcrédit touche 100 millions de personnes dans le monde...
L'outil est intéressant dans les sociétés postcrises, en Argentine, en Europe orientale ou postconflits, comme en Bosnie. Il sert à améliorer le budget des familles ou à stabiliser des activités professionnelles, pas forcément à des investissements productifs. Or, porté par les institutions internationales et des ONG qui se transforment en banque, le microcrédit vire à la mode, au credo. Il n'est qu'une partie de la microfinance, qui peut concerner l'épargne, les transferts financiers pour migrants, la microassurance, etc. Il ne remplace en rien les infrastructures, les besoins en santé, en éducation, en eau. Si c'est parfois un filet de sécurité pour les moins pauvres d'entre les pauvres, ce n'est pas un levier fort pour le développement. Il ne représente d'ailleurs qu'entre 1 à 2 % de l'aide au développement.
A-t-il quand même un impact réel ?
Cela reste à voir. Prenons le Bangladesh, le pays de Mohammad Yunus, Prix Nobel de la paix 2006, avec sa Grameen Bank. C'est le marché au monde le plus saturé de petits prêts. A elles seules, les vingt plus grandes institutions de microcrédits touchent 21 millions de familles, soit 105 millions d'habitants, sur un total de 147 millions. Comment expliquer que 36 % de la population vivait, en 2004, encore sous le seuil d'extrême pauvreté, avec moins d'un dollar par jour, comme en 1990 ? Par ailleurs, le pays a reçu dix fois plus d'aide au développement par tête d'habitant que l'Inde.
Et l'Inde, justement ?
Selon les études de l'Institut français de Pondichéry, le microcrédit ne change rien dans 70 % des cas, profite à 15 %, surendette dans 15 % et a même entraîné des vagues de suicides chez les paysans. La microfinance est un peu le même mythe que les transferts des migrants dont on vante l'apport aujourd'hui ; or, la moitié des migrants en France qui veulent créer une entreprise veulent le faire en France et 80 % rapatrient de l'argent dans leur pays pour la famille ou l'immobilier, mais bien peu dans des activités productives, notamment dans le secteur rural...
Comment faire pour aider 80 % des gens exclus du système bancaire dans les pays les plus démunis ?
Contrairement à ce qu'on pense, en Afrique par exemple, 50 pays sur 54 connaissent une situation de surliquidité bancaire, selon une étude du Fonds monétaire international. Il manque simplement de fonds de garanties pour inciter les banques à prêter de l'argent. L'aide publique au développement pourrait jouer ce rôle-là, mais elle ne le fait pratiquement pas, car ce genre d'appui n'est pas comptabilisé dans l'aide ! Résultat, les coopérations des pays riches préfèrent faire de la communication en finançant des ONG.
Les banques traditionnelles surfent aussi sur le microcrédit ?
«L'éthique» , la «responsabilité sociale» ou le «développement durable» sont des thèmes porteurs au moment où les banques engrangent des bénéfices records. Il ne faut ni diaboliser le microcrédit ni fantasmer sur les potentialités de cet instrument financier.»
(1) Editions Odile Jacob, 2006.
Le lien vers l'article ici
Wednesday, March 28, 2007
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