Monday, September 25, 2006

A quelles conditions la microfinance peut-elle contribuer au financement du développement des agricultures familiales dans les pays du Sud ?




Le développement du financement rural a été marqué dans les quarante dernières années par un glissement sémantique et conceptuel du “ crédit agricole ” vers la microfinance.
Après les Indépendances, les politiques de financement du monde rural étaient largement fondées sur le seul concept de “ crédit agricole ”, ciblé, subventionné, considéré comme un intrant dans le processus de production et distribué via des banques agricoles, banques de développement ou lignes de crédit gérées par des projets agricoles.

Face au constat d’échec de ces approches, et dans un contexte global de libéralisation des économies du Sud, s’est progressivement imposé le concept plus englobant de“ marché financier rural ”. L’objectif n’est plus de promouvoir un crédit sectoriel, mais de favoriser le développement et la fluidité d’un “ marché des capitaux ruraux ” dans lequel le “ crédit rural ” n’est plus qu’un instrument financier parmi d’autres, constitutifs du système d’intermédiation financière global, moins contraint, durable, plus largement développé, reliant les ménages à la sphère macroéconomique.

Sur cette base, s’est développée la microfinance. Celle-ci recouvre aujourd’hui des institutions de nature très diverse(réseaux mutualistes, caisses villageoises autogérées, entreprises de services financiers, banques, projets d’épargne-crédit), dont certaines atteignent une taille significative à l’échelle du développement, avec plusieurs millions de bénéficiaires. Le succès de certaines institutions de microfinance (IMF), la logique de développement de l’initiative privée qu’elles permettent de promouvoir, ont séduit les bailleurs de fonds, et un consensus large s’est établi autour de la microfinance comme levier du développement et de la lutte contre la pauvreté.
Les analyses d’impact montrent que les IMF arrivent à financer le développement des activités rurales telles que le commerce, l’artisanat, ou la transformation agroalimentaire, dont la rentabilité est élevée, la rotation de capital rapide et le risque limité. En revanche, la microfinance répond moins bien aux besoins de financement de l’agriculture. La rentabilité des activités agricoles est aléatoire et souvent difficilement compatible avec les taux d’intérêts élevés de la microfinance. Le financement de l’agriculture présente des contraintes spécifiques, tant en termes de diversité des besoins (trésorerie, fonds de roulement, investissements moyens et longs termes) qu’en termes de risque(incertitude sur la production, risques covariants- climatique, sanitaire... -, risques économiques).

Les agricultures familiales ont besoin de se moderniser, de s’intensifier, de financer l’innovation technique et organisationnelle. Leurs besoins de financement sont immenses et la libéralisation des principales filières de production agricole (coton, café, cacao...), par lesquelles transitaient jusqu’à présent les principaux flux de crédit agricole, va les renforcer encore.
La question que nous nous posons est la suivante : la microfinance, dans sa diversité, et sous contrainte de pérennisation, est-elle capable de répondre à l’ampleur des besoins de financement de l’agriculture, dans un contexte de libéralisation ? A quelles conditions ?
Modernisation et sécurisation du secteur agricole, accompagnement de la croissance des IMF et de leur insertion dans le marché financier, adaptation de l’offre des produits financiers des IMF à la demande agricole, développement de nouveaux dispositifs de sécurisation du crédit à l’agriculture (sélection qualitative des emprunteurs qui combinerait les critères de capital social avec une analyse fine du projet économique, mise en œuvre de nouvelles formes de garantie, développement de nouvelles formes de contractualisation entre acteurs), constituent des ébauches de solutions, dont certaines sont déjà expérimentées sur le terrain.
L’enjeu est de taille, à la fois en terme de soutien au développement agricole dans les pays du Sud, mais aussi d’extension de marchés et de diversification des produits financiers des IMF, condition indispensable à leur développement.

CIRAD - Collectif CERISE
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CERISE est une plate-forme de capitalisation et d’échanges sur la microfinance dans les pays du Sud visant à améliorer les pratiques d’intervention.
CERISE a été initié en 1998 par quatre organismes français travaillant de longue date en appui aux institutions de microfinance (IMF) :le CIDR (Centre International de Développement et de Recherche, Autrêches), le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, Montpellier), le GRET (Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques, Paris),l’IRAM (Institut de Recherches et d’Applications des Méthodes de développement, Paris).Le travail de CERISE repose sur des échanges réguliers en interne et avec ses partenaires proches (opérateurs et réseaux du Nord et du Sud, IMF, chercheurs, bailleurs, etc.).

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